TELEVISIONDe Julie Lescaut à Candice Renoir, 20 ans de femmes-flics dans les séries françaises

De Julie Lescaut à Candice Renoir, 20 ans de femmes-flics dans les séries françaises

TELEVISIONFrance 2 diffuse vendredi soir le premier épisode de «Candice Renoir », une flic au top sous ses allures de Barbie, à la fois différente et proche de Julie Lescaut…
Alice Coffin

Alice Coffin

Passage de relais entre femmes flics. Dix jours après l’annonce de l’arrêt du «Julie Lescaut» deTF1, voici les débuts, vendredi soir, du «Candice Renoir» de France 2. Candice Renoir est elle aussi une femme flic, et elle aussi une série policière française qui porte en titre le nom de son héroïne. Mais les différences sont nombreuses. Au-delà des hasards du calendrier, la comparaison des deux séries, en passant par d’autres comme «Diane, femme flic», «Une femme d’honneur» ou «Les enquête d’Eloïse Rome», en dit long sur certaines évolutions. La directrice de la collection de «Candice Renoir», Solen Roy-Pagenault, et la professeure en études cinématographiques et auteure d’articles sur les femmes policières dans les séries françaises, Geneviève Sellier, expliquent pourquoi.

«Julie Lescaut se tapait quand même son adjoint»

«C’est plus qu’un symbole que Julie Lescaut s’arrête juste quand on arrive», note Solen Roy-Pagenault. J’ai moi-même écrit un Julie Lescaut, et je me souviens du premier épisode super gonflé où Julie se tapait quand même son adjoint!» Geneviève Sellier confirme. «Au début des années 90 Julie Lescaut a lancé des fictions très spécifiques à la France, qui mettent en scène une héroïne récurrente qui a des enfants et à la fois un métier très prenant et ne vivent pas cela, contrairement aux "Desperate Housewives", sur un mode cauchemardesque». Mieux, ce sont même des super women. «Julie Lescaut», «Une femme d’honneur» ou «Diane,femme flic» étaient bâtis pour démontrer que les femmes avaient leur place dans la police, donc fortes et sérieuses», poursuit-elle. C’est «la période héroïque», confirme Geneviève Sellier. «C’était des héroïnes au sens fort du terme. La seule chose qui allait mal c’était leur vie amoureuse, comme s’il allait de soi qu’on ne peut pas tout avoir». Cela va changer avec «Les Enquêtes d’Eloïse Rome».

Eloise Rome, un flingue sans les canons de la féminité

«Les Enquêtes d’Eloise Rome» ne dureront que quatre ans sur France 2,entre 2001 et 2005, mais «c’est aussi une référence», note Roy-Pajenault. Et un avant-goût de Candice Renoir. «France 2 avait déjà commencé avec Eloïse Rom à renverser quelques éléments, affirme Geneviève Sellier. Physiquement elle échappe aux canons de la minceur si contraignants au cinéma et à la télévision, elle est mariée sans enfant ce qui ne lui pose pas de problème, son mari est enseignant et ne se sent pas humilié que sa femme ait une fonction importante dans la police. France 2 prend fréquemment son bâton de pélerin avec des héroïnes récurrentes qui cassent les normes de genre». Candice Renoir marque encore une nouvelle étape.

Candice Renoir: une Barbie policière et quiche, et tant d’autres choses

«Julie Lescaut devait jouer avec les règles des hommes pour s’imposer. Candice elle assume une ultraféminité, elle joue avec ses règles à elle, même si cela perturbe ses collègues». Ses règles à elles, c’est se servir d’un magazine féminin pour faire craquer un témoin, être entravée par la fermeture d’une jupe qui craque en pleine autopsie, jongler comme l’illustre le générique entre «ménage et braquage», se faire traiter de «Barbie policière» par ses collègues, et se prendre des remarques du style «Vous êtres drôle ou vous êtes juste blonde?». Oui, car, «en plus j’ai voulu qu’elle soit blonde, note Solene Roy-Pagenault. Parce que c’est encore plus dur au travail quand on est blonde. Et elle s’appelle Candice, ce qui a un côté un peu quiche, un peu prénom américain!» Pourquoi affubler une héroïne de tant d’handicaps? «Parce que je voulais montrer ce que les femmes accomplissent dans le monde du travail, lorsqu’elles reviennent comme c’est le cas de Candice après des années d’absence où elles se sont occupées de leurs enfants». Et «cela marche», estime Geneviève Sellier. «Le défi est de valoriser ce type de personnages sans les idéaliser comme l’a fait la première génération de ces séries avec Julie Lescaut. Oui il ya du machisme et de la domination masculine dans le service public, alors qu’il a disparu dans "Julie Lescaut". Il faut saluer la prise en compte de cette réalité, du vécu quotidien des femmes qualifiées et mères de famille.»

Un bon point pour la télé française

Geneviève Sellier tient, au-delà de leurs différences, à rendre hommage à ces fictions. «Le cinéma français, qu’il soit populaire ou d’auteur, fait comme si les seuls individus intéressants dans la société étaient des hommes, la télé française parce qu’elle a la pression de l’audience, et que de nombreuses femmes regardent ces séries, prend en charge la valorisation des femmes».